feuilleton-les-aventures-de-la-singette

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EPISODE 12 : Eric Holder s’en est allé, la vie continue, comme disent les artistes !

Résumé du précédent épisode :

La vie en jaune, la Singette en avait soupé le pastis jusqu’à la lisse ! V’la t’y pas qu’elle tombe au jardin par mégarde sur une bestiole toute jaune qui a l’air d’une éponge et qui parle. Il s’appelle Blob ! Heureusement que les bestioles du quartier fêtent la nouvelle année à leur façon, sinon…

Le grand débat des planches vermoulues, orchestré par Manu 1er pour river les clous à la populace en gilet jaune sur leurs croix, battait son plein de vent. Du vent justement, il en était surtout question, quand les réponses toutes faites sur cette entrefaite allaient gercer les lèvres de Manu descendu dans l’arène avec sa reine mère. Le théâtre de guignol à l’envers, en quelque sorte, puisque c’était les cognes qui se lâchaient les pognes à baver sur le populo qui occupait les ronds-points et les rues, voir aussi les avenues des beaux quartiers.

Clara pas conne n’était pas dupe et regimbait à l’arnaque. Tandis que Louis avait participé à un débat organisé par la mairie de son quartier. Il en était revenu tout ragaillardi. D’autant que c’était un de ces potos qu’il nommait frère Jacques, qui avait animé les conversations. Ensuite, il avait été boire tout son saoul et était revenu noir charbon débordant d’intentions, une fois n’était pas coutume, pour Clara. Elle l’avait envoyé sur les roses dégueuler sa bile aux toilettes. Avec la consigne de ne surtout pas oublier de tirer la chasse et lui vitupérant qu’il puait de la gueule et qu’il était indigne de se soulager entre ses fesses dans son état de malfrat.

Le changement dans la continuité. L’épidémie de grippe avait touché Elsa de plein fouet. Normal à force de s’échanger les microbes et de les élever au stade nasal, les mioches de la maternelle avaient battu tous les records du monde de la refilade des bobos. A te rendre ko, sans voix (ouf ça lui faisait des vacances). Trois jours durant, Clara était restée au chevet de sa fille qui n’en menait pas large. Lola doudou bête à part avait morflé toutes ses humeurs sans rechigner et avait presque accepté la machine à laver comme une délivrance.

Et moi j’avais dû me farcir la compagnie des nanas. Je l’avais dans le baba pour écrire mes articles et vaquer à mes occupations en plein jour.

Par chance, le mec de Noël dans sa hotte de clodo avait apporté à Elsa un nouveau doudou à gueule métissée. On aurait dit au conditionnel de variété pour le désigner, entre le chat et l’ours. Un genre indéterminé fabriqué par les petites mains de Chine.

Ouf ouf la touffe, Clara en bonne mère de famille au fait de la philosophie de la décroissance avait déclaré : - Cette année on ne jettera aucun jouet à la poubelle, quitte à recycler.

J’avais applaudi avec Gouingouin à cette sage attention à notre égard.

Mais comme l’économie du marché, ça fonctionne dans les deux sens. Pour économiser sur les frais de Noël, dans le circuit dit durable, Clara avait acheté ce nouveau doudou à gueule indéterminée qu’elle avait nommé tout simplement et par manque d’imagination : Chatours.

Je ne vais pas vous venir à la racole sous l’argumentaire étriqué, qu’autrefois les doudous étaient de meilleur qualité. Qu’ils étaient fabriqués certes, pour un lapse de temps assez court. Mais pour les doudous d’aujourd’hui, c’était du pipo. En trois jours de grippe assidue à se vider de ses microbes et étancher Chatours de son amour immodéré, Elsa avait déchiré les fibres synthétiques en guise de peau de la bête, qui avait perdu toute sa consistance et s’était vidée de sa mousse. Du plus bel effet à applaudir des quatre pieds pour nous autres doudous rendus aux oubliettes. Ce qui nous redonna un coup de fouet à revenir sur le devant de la scène et garder son statut.

Pour celles et ceux qui ont raté les épisodes précédents, je résume. Lola avait gardé son rang un au niveau des doudous. Moi j’étais toujours en seconde position, suivie de près par Gouingouin, Singeon mon frère et mon cousin Haybes le marcassin.

On avait gagné encore une année de sursis et on ne remerciera jamais assez nos amis les chintoks pour leur fertilité à créer des jouets éphémères.

Dans ce contexte étriqué, mes rencards avec Blob sous la lune avec une lampe torche pour tout bagage de lumière, ce n’était pas Byzance. Il engrossait faiblement avec mon apport en flocons d’avoine. Il avait toujours autant la langue bien pendue et je lui rendais la monnaie de sa pièce.

En fait je commençais à peine à l’apprécier, quand la voix du Bartos m’est tombée sur le râble sans que je l’aie sentie venir.

 

C’était pour être précis, le mardi 22 janvier 2019 à 22 heures du soir. Il m’avait téléphoné et il chialait toutes les larmes de son corps. Il avait besoin de causer.

- C’est horrible ce qui vient de m’arriver. Tu ne peux pas imaginer.

Je le laissais causer, trépignant et espérant qu’il allait vite s’épancher et me lâcher la grappe. J’en fus pour mes frais.

- Eric Holder est mort et c’est moi qui ai découvert son corps. Tu imagines l’effroi dans lequel ça m’a mis.

Je faillis lui rétorquer un corps mort et donc un corps froid ça met toujours dans l’effroi, pas la peine d’ajouter un ou deux glaçons, mon pote. Seulement, j’avais senti qu’il n’était pas d’humeur à partager mon humour particulier et qu’il souffrait le martyre pour de vrai. Que c’était pas du chiqué.

Tout son baratin se retrouve dans son article qu’il a publié en son nom. A ma place, le cave. (C’était bien la première fois qu’il me faisait le coup et c’est dire s’il était dans le coltard)

http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article9685

Il m’a précisé tout de go qu’il avait attendu l’annonce par Téo le fils d’Eric pour le publier. Contrairement à un des membres des sauveteurs qui lui avait voulu chercher la petite bête nauséabonde et morbide pour afficher la date de la mort d’Eric sur Wikipédia avant tout le monde. C’était d’autant plus irrespectueux pour Eric et ses enfants, dont il n’avait jamais lu un de ses ouvrages et qu’il ignorait jusqu’à son existence dans le Médoc.

Saloperies de réseaux sociaux qui ne respectent rien ni les personnes !

Le Bartos continuait sur sa lancée. Pour faire court, je résume. Olivette est arrivée sonnée par Téo pour s’apitoyer à son tour, sans même prendre soin de saluer le Bartos qu’elle connaissait pourtant et lui demander comment il allait. Elle s’accapara la scène à elle toute seule. Le Bartos finissant sa déposition auprès de la gendarmerie et étant salué par la mairesse du bled au téléphone qui prenait connaissance du décès d’Eric. Complétement anéanti par la perte de son ami très cher, le Bartos leva le camp et laissa le champ libre à Olivette.

Depuis ce jour de cauchemar, jamais ni la fille ni le fils d’Eric n’ont daigné s’adresser au Bartos pour le remercier d’avoir été là et avoir effectué les démarches d’usage. Alors qu’il les connaissait bien tous les deux et les avait souvent croisés avec Eric et Delphine leur feu maman (décédée elle aussi si brusquement snif, à quelques semaines d’écart).

Même que, il y a un an en hiver, le Bartos avait cédé gratuitement une bonne part de ses meubles à Téo et ses amis et qu’Eric était venu aider au déménagement et prêter ses biscotos aux transports.

C’est tout une époque qui disparait. Les fabuleuses fêtes d’été chez Eric et Delphine autour d’artistes, d’auteur(e)s à la bonne franquette. Epoque révolue, époque déchue. Une nouvelle génération s’accapare le monde avec ses propres valeurs qui ne sont pas celles du Bartos ni les miennes, je dois le constater à mon corps défendant.

J’ai consolé comme j’ai pu le Bartos. Il n’est pas prêt de se remettre d’un tel choc. Il me racontait encore dernièrement qu’il voyait le corps mort d’Eric dans ses rêves et qu’il refusait les remèdes chimiques des toubibs pour essayer d’oublier. On ne peut pas oublier un tel ami avec lequel il partageait de telles affinités électives et festives.

Et puis, en fin de compte, la mort d’Eric va m’économiser l’écriture léchée des articles que je consacrais à ses ouvrages nouvellement publiés.

Ah ce con, parti trop tôt. Je ne me lassais pas de le lire et d’échanger avec lui.

En tout cas, une chose est sûre, le Bartos le dit très bien dans son article, j’aurai pas dit mieux : Eric nous survivra tous par son œuvre publié. C’est bien vrai comme aurait dit la mère Denis !

 

A suivre…

 

Copyright Franck dit Bart, tous droits réservés

 

 



01/03/2019
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